nom La théorie des « trois étapes de la transe » proposée en 1988 par David Lewis-Williams et Thomas Dowson cherche à reconnaître des « signes entoptiques » parmi les images rupestres du monde entier, pour appuyer la thèse d’une motivation chamanique de ces images, de l’Afrique du Sud aux grottes ornées paléolithiques en passant par le Sahara et l’art mégalithique. Or les « hallucinations simples » ne prennent qu’occasionnellement une forme géométrique régulière, les plus connues étant le triangle et des visages fantômatiques qui apparaissent tant après ingestion de mescaline que durant la transe, mais ces deux types d’images sont des plus rares dans la plupart des arts rupestres supposés « chamaniques ». Pour les physiologistes, le modèle des « trois étapes de la transe » n’est qu’un parmi plusieurs dizaines d’autres, et toutes les altérations de la conscience ne suivent pas un même parcours en trois étapes. Dans la littérature parue depuis trente ans sur les effets des transes « naturelles » (ie: obtenues sans recours à des drogues), il n’existe aucun cas mentionnant l’évolution en « trois étapes » faisant passer des figures géométriques aux formes iconiques (anthropomorphes, théromorphes, théranthropomorphes). Il en est de même dans les études portant sur la transe rituelle (induites par la musique et la danse). Les seules transes obéissant au schéma des « trois étapes » sont induites par l’ingestion de LSD, de mescaline, ou de plantes contenant de la psylocibine, mais la mescaline ne se trouvant que dans des plantes du Nouveau Monde, les modèles de transes produits par son ingestion ne peuvent certainement pas s’appliquer aux arts rupestres de l’Ancien. De même, la psilocybine et la psilocine sont des ingrédients présents dans 24 espèces de champignons américains, et c’est uniquement sur ce continent que leur usage rituel et religieux est clairement attesté. La conclusion logique est que la seule substance ayant pu être utilisée dans l’Ancien Monde pour provoquer des transes en trois étapes est le LSD, qui se trouve dans les champignons Claviceps. Mais Claviceps purpura étant un parasite des plantes cultivées, il ne peut avoir été utilisé à des époques ou en des lieux où l’agriculture était inconnue, et les plantes sauvages ne produisent que des champignons provoquant des formes convulsives de l’ergotisme, sans hallucinations. Quant au Cannabis, attesté depuis le Néolithique et dont l’emploi rituel est mentionné chez les Scythes par Hérodote, il ne produit des hallucinations qu’occasionnellement, à très hautes doses, et sans impliquer « trois étapes  » de transe. Rares sont les autres plantes candidates : il s’agit de l’Amanite muscarine, du Datura et de la jusquiame. La première produit parfois des visions colorées, la seconde ne laisse aucun souvenir des hallucinations qu’elle produit, la dernière donne surtout la sensation de se métamorphoser en animal et de pouvoir voler… mais aucune n’induit de transes en trois étapes. L’ensemble de ces faits permet finalement à Paul Bahn et Patricia Helvenston d’indiquer, pour la première fois, un moyen de « tester » la théorie de l’interprétation de l’art rupestre comme production associée à une « transe en trois étapes », en demandant aux auteurs d’asseoir leur thèse sur des données paléobotaniques qui, certes, ne suffiraient pas à la prouver, mais permettrait au moins de la rendre moins inconsistante. En dehors du Nouveau Monde où, effectivement, certaines productions artistiques sont directement liéees à des transes chamaniques, cela paraît désormais extrêmement improbable.