nomS’élevant contre les abus de l’école post-stylistique, il a au contraire montré que la notion de style pouvait être particulièrement productive, à condition de s’entendre sur la méthode et le vocabulaire utilisés. Appliquant ce qu’il appelait la méthode des noyaux ou groupements artistiques, chacun attribué à une école, il a ainsi pu renouveler les anciennes classifications des peintures de la Tassili-n-Azjer et de l’Akâkus élaborées par Henri Lhote et Fabrizio Mori. Dans un premier temps, il eut beau jeu de déconstruire ces classifications pourtant classiques, tant elles présentent de faiblesses et d’incohérences. Puis, joignant l’étude de caractères stylistiques clairement définis (donc vérifiables !) et de traits culturels précis (habillement, armement, etc.), sans toutefois jamais les confondre, il parvint à élaborer une classification en divers styles ordonnés dans l’espace et dans le temps, et mieux encore, à ancrer cet ordonnancement dans des fourchettes chronologiques certes dotées d’un coefficient d’incertitude, mais néanmoins fiables, en les reliant au savoir archéologique général disponible le plus récent, du Sahel à l’ensemble de la Méditerranée. Pour reprendre une métaphore qu’il affectionnait, l’image ainsi obtenue est certes floue, comme dessinée avec des pixels trop gros, mais elle n’en rend pas moins compte de la réalité. Du reste, il n’a jamais prétendu témoigner ainsi de toute la réalité, et la critique qui lui fut faite, de laisser pour compte un certain nombre de documents, tombe d’autant plus à plat que c’est ce que font également toutes les classifications ayant précédé la sienne. Mais lui, contrairement aux auteurs précédents, admettait bien volontiers l’existence d’images «inclassables» selon son système. L’étape suivante sera donc de réduire la taille des «pixels», et aussi de chercher à intégrer à l’image globale le plus possible des figures consciemment exclues de la première classification parce qu’à ce stade elles ne pouvaient pas encore être rattachées à un ensemble stylistique solide et cohérent. Vaste programme, qui connaîtra très certainement des limites, mais qu’importe, puisqu’au stade d’inachèvement dans lequel il se trouve, il a déjà permis de dégager des ensembles («style d’Abaniora », « groupe d’Ihéren-Tahillâhi », etc.) qu’utilisent désormais la plupart des auteurs. Concernant la chronologie, Alfred Muzzolini fut l’un des premiers à avoir combattu l’idée fausse d’un «étage bubalin» archaïque, notion hélas encore parfois véhiculée par certains textes, alors que ledit bubalin n’est qu’un style qui, au Sahara central, ne peut être dissocié du Bovidien. Président-fondateur de l’ AARS et premier rédacteur en chef de la revue internationale Sahara, son exigence de rigueur, sa vigilance et sa hauteur de vue lui ont permis d’influer favorablement sur l’évolution de nos recherches. Outre des dizaines d’articles, il laisse trois gros livres dont le dernier, Les images rupestres du Sahara (1995) restera pour longtemps un manuel indispensable à quiconque s’intéresse à l’histoire de l’art et à la préhistoire de l’Afrique. Il a quitté ce monde à Toulouse, le 16 février 2003. C’est en grande partie grâce à son influence durable que les études portant sur les images rupestres du Sahara commencent enfin à se dégager des arguments d’autorité, des idées reçues et des opinions subjectives, pour se rapprocher davantage d’une véritable science. L’AARS lui a rendu hommage en éditant un volume intitulé "Hic sunt leones". Corrélats : Caballin / Méthode des noyaux / Style d'Abaniora / Style d'Iheren-Tahillâhi / Style de Ti-n-Annîwen /